Sur l’agenda 13 janvier 2017

  • Centre Pompidou

    À partir du 14 septembre 2016, le Centre Pompidou expose l’extraordinaire don de plus de deux cent cinquante œuvres soviétiques et russes contemporaines réunies avec le soutien exceptionnel de la Vladimir Potanin Foundation. Cet ensemble d’œuvres a pu être offert au Musée national d’art moderne grâce à la générosité de la Vladimir Potanin Foundation, des collectionneurs, des artistes et leurs familles. Inscrit dans une année 2016 placée sous le signe d’un hommage aux donateurs de tous horizons, ce projet rappelle l’importance cruciale de ces gestes engagés pour le développement des institutions patrimoniales. L’ensemble ainsi constitué, composé d’œuvres d’artistes majeurs, offre un panorama, sans prétention à l’exhaustivité, de quelques quarante années d’art contemporain en URSS puis en Russie, à travers les principaux mouvements qui les ont sillonnées.

    La présentation donne à voir la richesse d’un art né en marge du cadre officiel. Dès la fin des années 1950, les artistes « non conformistes », à l’instar de Francisco Infante, Vladimir Yakovlev ou Yuri Zlotnikov, stimulés par les expositions internationales permises par la politique khrouchtchévienne de « dégel », renouent avec les pratiques esthétiques des avant-gardes russes, elles-mêmes sources d’inspiration pour tant d’artistes occidentaux. Ils cherchent à inventer leur propre langage plastique. En 1962, la fermeture par Khrouchtchev de la salle non conformiste incluse dans la fameuse exposition du Manège (Moscou), bannit pour plusieurs années de l’espace public toute expression artistique contraire à la doctrine du réalisme socialiste qui, à partir des années 1930, a mis fin aux expérimentations modernes en URSS.

    Les années 1970 voient l’émergence de deux mouvements aux frontières poreuses. L’École conceptualiste moscovite prend une ampleur déterminante sous l’impulsion d’Ilya Kabakov, de Viktor Pivovarov, de Rimma et Valéry Gerlovin, suivis d’Andreï Monastyrsky et de Dmitri Prigov. Accordant une place prépondérante au langage, travaillant à la croisée de la poésie, de la performance et des arts visuels, ces artistes proposent dans la Moscou de la « Stagnation » un art conceptuel reflétant la primauté de la littérature dans la culture russe. Une seconde génération d’artistes rejoint la communauté conceptualiste à la fin des années 1970, comme le groupe Mukhomor, Yuri Albert, Mikhaïl Roshal, Viktor Skersis ou Vadim Zakharov.

    Concomitant du conceptualisme moscovite, le Sots art, inventé par le duo Komar et Melamid, détourne dans une veine pop les codes de la propagande soviétique. À la différence des artistes pop, confrontés à la surabondance de biens de consommations, Alexandre Kosolapov, Boris Orlov ou Leonid Sokov démythologisent l’environnement idéologique de la société soviétique. Courant fécond dont certains des protagonistes émigrent dès les années 1970, le Sots art marque fortement l’esthétique des années de la perestroïka, animant l’œuvre de différents artistes à l’instar de Grisha Bruskin.

    Au milieu des années 1980, l’avènement de la perestroïka provoque un véritable bouillonnement créatif, imprégné d’une culture underground, émanant de différents squats. Un fort pressentiment de liberté enivre alors les jeunes artistes : Sergei Anufriev, Andreï Filippov, Yuri Leiderman, Pavel Pepperstein ou le groupe Pertsy à Moscou, Sergei Bougaev-Afrika, Oleg Kotelnikov, Vladislav Mamyshev-Monroe ou Timur Novikov à Leningrad.

    La fin de la décennie est marquée par la légitimation de cet art né dans les marges. Les mécanismes du marché de l’art, encore inexistant, commencent à se mettre en place : en 1988, une première vente aux enchères organisée par Sotheby’s à Moscou, donne une valeur tangible à l’art non officiel. Très rapidement, les frontières avec l’art officiel disparaissent. Une nouvelle génération d’artistes s’affirme, incluant AES+F, Dmitri Gutov, Valéry Koshlyakov ou Oleg Kulik. À partir des années 2000, l’art contemporain s’institutionnalise et intègre peu à peu la culture nationale.

    Le Centre Pompidou tient à remercier la Vladimir Potanin Foundation. Il souhaite également rendre hommage à l’ensemble des donateurs, notamment Ekaterina et Vladimir Semenikhin et la Tsukanov Family Foundation, qui démontrent de façon exemplaire les vertus d’un effort collectif tendu vers les artistes et de leurs œuvres.

  • Théâtre de la Ville

    Virtuose prodigieux, Nijinski renouvela l’art de la danse au sein des Ballets russes que dirigeait Serge Diaghilev dans les premières années du XXe siècle. Nijinski est aussi l’auteur d’un journal secret, tenu pendant six mois dans lequel il note ses préoccupations au sujet de l’art, de la religion et de ses relations avec ses proches. Ce texte fébrile rédigé par un homme troublé à la raison vacillante fascine depuis longtemps Mikhail Baryshnikov. À l’invitation de Robert Wilson, il interprète aujourd’hui ce témoignage bouleversant d’un artiste en train de sombrer dans la folie. Le titre du spectacle, Letter to a Man, renvoie à Diaghilev dont Nijinski fut l’amant avant de le quitter pour épouser Romola de Pulszky. Leur séparation fut sans doute le point de départ de sa maladie. Après The Old Woman de Daniil Kharms, c’est un plaisir de retrouver Mikhail Baryshnikov sous la direction de Robert Wilson.
    Hugues Le Tanneur

    Espace Cardin

  • Théâtre Gérard Philipe

    On compare parfois la cruauté de l’homme à celle des fauves, c’est faire injure à ces derniers.

    Fédor Dostoïevski

    Les Frères Karamazov est un roman à tiroirs, réunissant intrigue policière, histoires d’amours et exposés métaphysiques. Les personnages inoubliables, déchirés par leurs conflits intérieurs, recherchent une vérité qui n’a rien à voir avec une quête de la raison.

    Il y a les fils légitimes, brillants de passion et de questions : Dimitri l’amoureux passionné, Ivan le philosophe, Aliocha le mystique. Face à eux se place le bâtard, Smerdiakov, cynique et haineux, dégoûté par sa condition de domestique. Au hasard de la vie, ces quatre frères se retrouvent dans la ville paternelle et se construisent tant bien que mal, entre amour et abjection filiale. En proie aux questionnements de la vie, de la chair et de la foi, ils se heurtent à un père bouffon et jouisseur, face auquel aucune de leur ligne de vie ne tient. Le meurtre, qui fait vriller le roman philosophique en roman policier, met cette fratrie tourmentée face à la question de la responsabilité. Qui est coupable, celui qui porte le coup, ou celui qui n’empêche pas que le coup soit porté ?

    Après avoir récemment travaillé à partir de matériaux théâtraux (La Bonne Âme du Se-Tchouan de Bertolt Brecht, Liliom ou La Vie et la mort d’un vaurien de Ferenc Molnár,Cupidon est malade de Pauline Sales), Jean Bellorini reprend son exploration d’œuvres littéraires narratives en s’emparant de l’ultime chef-d’œuvre de Fédor Dostoïevski. Entouré de sa troupe de comédiens-musiciens-chanteurs, rejoint par de nouveaux artistes, accompagné de Camille de La Guillonnière pour l’adaptation et en collaboration avec le traducteur André Markowicz, il souhaite rendre toute la force poétique et lyrique de l’œuvre.

    Et nous tous, les Karamazov, on est comme ça, dans toi aussi, dans l’ange, il y a un insecte qui vit, et qui fait naître des tempêtes dans ton sang. C’est des tempêtes, parce que la sensualité, c’est une tempête ! La beauté, c’est une chose terrifiante et affreuse !

    Fédor Dostoïevski, Les Frères Karamazov (traduction André Markowicz)

  • Théâtre 71

    Sandra, Dennis, Albert et Margaret s’aiment d’amour et d’amitié depuis leur plus tendre enfance. Mais au soir de leur vie, il est temps pour eux de faire le bilan, de se dire la vérité s’avouer leurs échecs, leurs résignations et leurs joies. Faire la lumière sur cinquante années d’amour, de désir, de trahison, de ressentiment, de tromperie, de mensonge et d’illusion… Est-ce que l’amour est illusoire ? Est-ce sa force que de se nourrir d’illusions ? Dans ce conte envoûtant et nimbé de mystère, Ivan Viripaev produit une réflexion vertigineuse et pleine de sagesse, sur l’existence et la condition humaine. Entre réalité et fiction, vécu et fantasme, la mise en scène de Julia Vidit saisit le spectateur pour le précipiter dans un tourbillon de faux-semblants et l’inviter à se questionner, à son tour, sur l’amour et la nécessité de sa réciprocité. Brouillant sans cesse les pistes, ses quatre comédiens trentenaires livrent les confidences de ces deux couples octogénaires et évoquent, non sans ironie, l’illusion d’aimer autant que le plaisir de l’avoir été. Oh, Oh Vertige de l’amour…

    Malakoff (92)

  • Nanterre-Amandiers

    À l’invitation d’Hubert Colas, des auteurs contemporains s’emparent de La Mouette pour parler de leur écriture, de leur perception du monde, de l’amour, de la littérature, du théâtre. En prologue, Jacob Wren nous livre une vision politique du texte, ancrée dans un monde marqué par le réchauffement climatique et par un certain retour à la féodalité. Angélica Liddell signe l’épilogue. L’écriture collective démultiplie la puissance de cette pièce de la fin du xixe siècle. Attentif à la pluralité des voix et aux points de vue multiples, Hubert Colas amplifie les échos, suit un fil souterrain qui interroge le pouvoir des mots, des regards et de la représentation, instille sa mise en scène dans les brèches des univers de chaque auteur. Interpréter, réincarner, les acteurs cultivent une relation ouverte avec les fantômes de La Mouette de Tchekhov, tout en instaurant un rapport d’immédiateté absolue à l’espace et à l’instant. Plusieurs gestes d’écriture dessinent dans la pièce des situations tout à fait inédites. Ainsi Treplev ressuscite dans l’acte 4 pour une ultime prise de parole qui fait de la pièce un possible vagabondage avec les morts. Et Hubert Colas de nous confier : « J’aime cette idée de corps morts, de corps en renaissance, qui font d’ailleurs écho au Mariage de Gombrowicz et à Hamlet de Shakespeare », rares œuvres de répertoire qui dessinent une filiation secrète dans l’histoire de sa compagnie.

  • La Scène Watteau

    Ces courtes pièces sont autant d’instants de vie auxquels l’écriture de Tchekhov insuffle une unité teintée de drôlerie, d’intelligence et parfois de lyrisme. 4 pièces en un acte, 4 chefs-d’oeuvre illuminés par l’humour et le sens de l’observation du dramaturge russe.

    A propos de sa pièce « Le chant du cygne, Anton Tchekhov précisait : « C’est le plus petit drame du monde, il se jouera en quinze, vingt minutes. Je l’ai écrit en une heure et cinq minutes ». Car le dramaturge russe aborde le théâtre comme il aborde la littérature, avec une grande concision et une méfiance à l’égard de lui-même. Courts et dépouillés, ces petits actes n’en constituent pas moins une anthologie des thèmes développés par Tchekhov tout au long de son oeuvre.

    « Les pièces doivent être mal écrites, avec insolence, c’est-à-dire, sans souci de bien écrire, avec aisance » soulignait aussi Tchekhov. Et c’est là précisément ce que révèlent ces pièces en un acte. Le théâtre ne se lit pas, il se parle, il se vit. Le seul lien entre le public et le personnage, c’est l’acteur lui-même qui, avec l’atmosphère, donne le ton, sur les indications de l’auteur, si précises et suggestives chez Tchekhov. Une pièce trop bien écrite risquerait d’enlever à l’acteur et au public leur liberté d’imagination. Aussi, ces courtes pièces sont-elles des instants, des tranches de vie auxquelles la liberté de l’écriture donne une unité teintée de drôlerie, d’intelligence et parfois même de lyrisme, sans que l’on puisse jamais définir s’il s’agit d’un drame ou d’un vaudeville.

    4 pièces en un acte, 4 chefs-d’oeuvre de l’écriture théâtrale.

    Nogent sur Marne (94).

janvier 2017 :

décembre 2016 | février 2017

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