"Le Journal d’un fou"

, par Véronique NEVIERE

Premières impressions après la première

Au théâtre Gyptis, à Marseille, Andonis Vouyoucas propose une adaptation du « Journal d’un fou » de Gogol jusqu’au 26 novembre 2011.

Avec Hervé Lavigne, Floriane Jourdain (soprano) et Caroline Oliveros (pianiste)

La scène est très sobre : deux panneaux et des jeux de lumière.
Et contrairement aux dernières mises en scènes que j’ai vues du « Journal d’un fou », où le fou était pour ainsi dire cloîtré dans sa chambre, puis dans son lit, bien avant d’être interné, ici Poprichtchine occupe tout l’espace, il l’arpente, le traverse, le fait vivre.

Il est tout entier en mouvement, en gesticulations, corps jamais paisible, jamais en paix, comme incapable de contenir ce qu’il renferme et qui ne demande qu’à s’échapper… la folie.

Et la folie commence fort, trop fort au premier abord ; elle a tant de paliers encore à atteindre au cours de la pièce. Mais Poprichtchine est déjà fou, dès le début. Et on oublie cette réserve, parce que cela fonctionne plutôt bien. On voit le malheureux petit fonctionnaire perdre pied, se débattre, essayer de s’affirmer pour finalement se désagréger devant nos yeux.

Il est accompagné d’un rêve, l’inaccessible présence fantomatique de Sophie, toute de rouge vêtue. Fantomatique, mais trop présente, trop incarnée. La chanteuse intervient à plusieurs reprises sur scène, un peu trop souvent, un peu trop longuement, surtout quand elle quitte le fond de la scène, pays des rêves et des espoirs, pour s’approcher de nous. Elle devient trop concrète, trop réelle, au moment même où, dans la réalité, elle s’estompe et disparaît.

Vers la fin, ses apparitions ont tendance à couper le fil de l’histoire et l’on a du mal à retourner vers le petit fonctionnaire et à se rappeler où on l’a laissé. Certes, cela permet à l’acteur de souffler un peu, et puisque Poprichtchine/Ferdinand VIII ne sait plus qui il est, peut-être que le spectateur peut l’oublier aussi… Même s’il doit faire un effort pour se retrouver là où l’on en était avant l’interruption.

Quelques maladresses, quelques outrances dans la mise en scène de la folie, mais c’est un spectacle qui fonctionne.

Grâce à son acteur, à son corps qu’il utilise à merveille, crispe, malmène, étale ou contracte.
Et à sa voix, aussi. On y entend et on y ressent le texte de Gogol, avec ses obsessions, qui le rythment et le structurent. La mise en scène rend hommage au texte, c’est déjà énorme.

Le spectateur est troublé, amusé, pris dans le tourbillon qui entraîne Poprichtchine. Pas mal de rires dans la salle. De tension aussi.

Et une pièce qui donne envie de découvrir, ou de relire, la nouvelle de Gogol a forcément réussi à toucher les spectateurs.

Au théâtre Gyptis
136, rue Loubon
13003 Marseille

04.01.11.00.91

www.theatregyptis.com

du mardi au samedi
à 20h30 (mardi, vendredi, samedi) ou 19h15 (mardi, mercredi)

et le 23/11 il y aura un débat :

"Quel monde fait-il aujourd’hui ?"

Rencontre avec l’équipe artistique et avec Maïté Arthur, (Présidente de l’Association "Les Sentinelles Egalité"), Bernard Hubert (psychiatre et psychanalyste) et Claire Warren (sociologue, poète)

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